Génèse
Ce projet a été initié après la proposition de Robin Pourbaix de participer à son livre "Showroom Robin Pourbaix". Je voulais utiliser les textes de Lafontaine et en remplacer tous les animaux apparaissant de les fables par le seul nom de Robain Pourbaix. A la base, seul le texte "Le loup et le chien" était visé, une fable sur le rapport entre liberté dans la pauvreté et bien-être dans la servilité. Faire d'une seule personne le chien et le loup de la fable crée une confusion entre ces deux perspectives, qui est en fait bien plus connue de tous les artistes que le deux êxtrèmes proposées par Lafontaine.
Plutôt que de faire un rechercher/remplacer à la main, et sur un texte, j'ai codé un programme simple et je l'ai appliqué à d'autres fables, pour voir ce qu'elle devenaient après usage. Puis de là j'en ai fait un projet autonome.
Le masque et Robin Pourbaix
Le travail de performance de Robin Pourbaix me touche pour des raisons liées à nos origines géographiques proches : nous venons tous deux de la région de Binche, dont le carnaval est célèbre pour son costume du mardi gras complété par un masque en cire étrange que tous les gilles (personnage central du carnaval) porte le mardi matin.
J'ai redécouvert le folklore de ma région natale après mes études d'art. Après avoir étudié l'art contemporain, réévaluer un folklore local, mesurer son intrication avec la culture dont je suis issu a été un moteur de réflexion puissant, et je crois qu'il en a été de même pour Robin Pourbaix, qui utilise le masque dans son travail de performeur.
Voici le texte qui accompagne mon travail dans le catalogue :
Le masque du carnaval de Binche est un signe puissant. En tant que signe plastique, il parachève l'esthétique du gilles, entièrement faite de motifs visuels et sonores répétés, destinés à produire de la confusion sensorielle, et par elle faire émerger une transe collective. En tant que symbole, il est le point d'acmé d'un rite de communion, la réaffirmation par tous et pour tous de la primauté du groupe sur les individus. Originaire de la région de Binche, ce folklore est le mien et s'il m'émeut aux larmes, il est une expérience fondatrice, un point d'ancrage intellectuel, dans ma réflexion sur l'art.
Le masque de Robin Pourbaix est évidemment lié au carnaval. J'ai reconnu dans
ses performances cette fascination pour le visage en cire rose et aux
lunettes vertes. J'ai reconnu aussi les signes de l'inévitable
narcissisme de l'artiste. Le mythe de la modernité a poussé l'artiste
a se dire effacé derrière son oeuvre, mais nous savons tous que
l'histoire de l'art fait peu de cas des humbles.
J'ai donc postulé une vraie humilité derrière cette réappropriation du
masque du carnaval. Et si Robin Pourbaix se propose d'incarner le visage de
tous, il doit aussi en endosser - et il le fait - les conséquences
sociétales de son geste, qui est d'être tous.
Lafontaine
Le travail de Lafontaine est un poncif scolaire. Je me sens assez éloigné de cette oeuvre d'un grand bourgeois proche du pouvoir, intellectuel jouant avec le feu sans se bruler tout en restant au chaud. Ce patrimoine de la culture française a été utilisé pour tout et n'importe quoi, mais il fait indéniablement partie de la culture, comme point de référence réévalué à chaque génération.
Chacun croit voir dans les métaphores utilisées par Lafontaine un proche ou des puissants. Mettre un outil numérique simple en place permet d'applatir les métaphores, revenir au littéral, et crée une forme de distance au texte qui me plait.
L'utiliser pour l'appliquer au travail de Robin Pourbaix m'a permis une mise en perspective supplémentaire, en donnant le nom de Robain Pourbaix à tous les protagonistes des Fables, renvoyant dos à dos toutes les morales de l'auteur.